Réponse de M. Alain Jeanneret, Conseiller communal, à l’interpellation sur l’état du projet du nouveau collège de Vigner.
(texte officiel du procès verbal du Conseil général du 12 novembre 2015)
J’informe d’une part sur l’état de situation du dossier et je réponds d’autre part à l’interpellation de M. Zago.
Au deuxième semestre 2013, la commune lance un appel d’offres en quatre lots, pour les travaux d’ingénieurs spécialisés. La commune adjuge ces quatre lots en février 2014.
En mars 2014, une des entreprises non adjudicataires fait recours contre la décision de la commune, pour le lot chauffage ventilation MCR (Mesure – Commande – Régulation).
Une partie de ping-pong s’ensuit :
- juillet 2014 : la Cour de droit public admet le recours de l’entreprise.
- décembre 2014 : la commune publie une nouvelle évaluation des offres, qui confirme la première adjudication ; l’entreprise fait à nouveau recours contre cette adjudication.
- mars 2015 : la Cour de droit public admet à nouveau le recours de l’entreprise
- juin 2015 : la commune annonce qu’elle interrompt la procédure pour ce lot ; l’entreprise fait recours contre cette décision ; c’est le troisième recours.
- novembre 2015 : la troisième décision de la Cour de droit public est tombée le 3 novembre dernier ; cette décision nous est enfin favorable, puisque la Cour de droit public a rejeté le troisième recours de l’entreprise.
L’entreprise peut encore recourir au Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de droit public. Nous espérons vivement qu’elle ne le fera pas, mais elle a jusqu’au 3 décembre pour prendre sa décision. (il n’y a pas eu de recours, n.d.r.)
Voilà où nous en sommes aujourd’hui, du point de vue de la procédure juridique en cours.
Il y a un certain nombre de réalités derrière ces activités que je viens de mentionner. Une des réalités les plus fortes est la séparation des pouvoirs. Le droit de recours est ancré dans la loi sur les marchés publics ; une entreprise peut faire recours et aucun sursaut de volonté politique ne peut empêcher ce fait.
Alors vous me demanderez : « Pourquoi la Cour de droit public a donné raison à l’entreprise par deux fois ? ».
Pour juger les offres du lot chauffage ventilation MCR, nous avions 6 critères qui ont été choisis par la Commission d’évaluation des offres. Dans cette Commission se trouvait :
- Alain Jeanneret (conseiller communal)
- Jacques Rivier (conseiller communal)
- Pierre-Laurent Denis (architecte et responsable communal de l’urbanisme)
- Steeve Michaud (responsable de la gestion énergétique des bâtiments au Service de l’énergie du canton de Neuchâtel)
- Philippe von Bergen (architecte EPFL) (mandataire de la commune, n.d.r.)
- Patrick Minder (architecte HES, lauréat du concours d’architecture)
- Sandro Pacifico (architecte HES suppléant) (mandataire du bueau Minder, n.d.r.).
Cette Commission d’évaluation des offres a non seulement établi les dossiers d’appels d’offres mais a aussi, comme son nom l’indique, évalué les offres. Le critère le plus important que cette dernière a établi était « compréhension et analyse du projet » ; c’est d’ailleurs celui-ci qui nous a fait trébucher.
Nous avions une idée très claire de ce que nous voulions pour ce bâtiment et pour les trois bâtiments à construire. En effet, nous voulions un système de chauffage ventilation/régulation qui soit performant, ne coûte pas trop cher non seulement à la construction mais aussi à l’exploitation.
Ce sont des systèmes qui sont complexes ; nous avons l’obligation de construire selon Minergie et il faut une grande expertise pour pouvoir mettre en place des systèmes performants. C’est pourquoi, pour gagner du temps, pensions-nous, nous avons essayé de regrouper la phase réflexion/conception de la phase choix de la variante.
Nous avons formulé le critère « compréhension et analyse du projet » en demandant aux entreprises qu’elles nous expliquent comment elles envisageaient évaluer les différents systèmes possibles d’une part (chauffage à bois, à gaz, au mazout, etc.) et évaluer la meilleure solution d’autre part. Dans la formulation de ce critère, nous avons été maladroits en ce sens que certaines entreprises ont très bien compris ce que nous voulions, c’est-à-dire une réponse avec une démarche qui montrait comment les entreprises évaluaient les différentes variantes possibles et comment elles arrivaient ensuite au choix de la meilleure variante.
D’autres entreprises n’ont pas compris, dont l’entreprise en question qui a fait recours et nous ont directement proposé la solution qu’elles estimaient optimale pour nos besoins. Confrontés à cette situation, nous avons naturellement choisi une des offres qui correspondait le mieux aux veux exprimés et ce n’était pas la variante la moins chère, c’était la variante la mieux-disante.
Cette offre était en fait plus chère mais c’est dans ces phases là qu’il faut investir de l’argent, parce que si l’on a une mauvaise solution, on a probablement des études moins chères au début mais après pendant des années on a un système peu performant qui coûte cher. Cela n’était donc pas possible pour nous de ne pas avoir une évaluation des variantes.
Dans un premier temps, comme cela se fait dans les marchés publics, nous avons invité les entreprises pour leur expliquer pourquoi nous n’avions pas choisi leur offre, et les ingénieurs que nous avions en face de nous ont compris, et ont été d’accord. Dans un second temps par contre, l’avocat de l’entreprise qui a fait recours a vu cette possibilité d’interprétation de ce critère et il a pointé là-dessus.
La Cour de droit public a regardé ça d’une manière extrêmement juridique et a mis en avant le fait qu’une autorité a le devoir de mettre en soumission des éléments et de donner la même chance à chacun. Si on regardait formellement, on pouvait comprendre intellectuellement qu’on pouvait ne pas comprendre ce que nous souhaitions. C’est allé très loin, nous avons quitté un certain bon sens; nous avons oublié que c’était une communauté qui voulait construire un collège pour des élèves, que nous n’avions absolument rien contre l’entreprise à qui nous n’avions pas décidé de donner le mandat, que nous n’avions pas de préférence pour l’entreprise à qui nous avions choisi de donner le mandat autre que celle que leur offre nous convenait davantage.
La justice est donc maintenant en marche et nous la respectons. La Cour de droit public a tout d’abord statué en nous disant de reprendre nos critères et de faire l’analyse des offres uniquement sur la base de la formulation que nous avions utilisée. Il nous a fallu des semaines pour faire cet exercice, on s’est vraiment abstrait du but qu’on voulait vraiment, on a pris mot par mot l’expression du critère en essayant d’évaluer au mieux et littéralement ce critère là pour chacune des entreprises.
Ensuite, s’est posée la question de savoir quelles sont les entreprises que l’on devait évaluer. On avait une entreprise à qui on avait donné le mandat, une entreprise qui avait fait recours. Alors avec nos avocats, il y a eu de grandes discussions afin de savoir s’il fallait redonner un tableau avec l’évaluation des 9 entreprises ou seulement des deux entreprises. Nos avocats nous ont proposé la deuxième solution mais en faisant le travail pour les 9 entreprises. Nous avons communiqué tout cela à la Cour de droit public et la première chose qu’elle nous a dit c’est que nous n’avions pas analysé les 9 entreprises et que ça ne jouait donc pas.
Le deuxième recours de l’entreprise a à nouveau été accepté par la Cour de droit public; nous ne savions plus tellement quoi faire à ce moment-là, d’autant plus que la formulation de la Cour de droit public dans son deuxième arrêté, nous dit pratiquement noir sur blanc qu’on essaie de cacher les choses, que ce n’est pas transparent, alors que ce n’était pas du tout notre volonté. On parle de CHF 290’000.00, c’est une somme importante mais au regard des CHF 30 millions, ce n’est pas grand-chose.
Que fallait-il faire ? Suivre encore une fois la Cour de droit public alors que les considérants n’étaient pas clairs ? Nous avons finalement pris la décision, après avoir évalué la possibilité d’aller au Tribunal fédéral ou la possibilité de suivre ce que nous demandait la Cour de droit public, sachant que cela n’était pas clair, d’arrêter. Il faut savoir que dans les marchés publics, arrêter un mandat en cours, un processus d’appel d’offres, on ne peut pas le faire sans des raisons précises assez bien déterminées dans la loi, cela serait trop facile.
La question était donc de savoir si nous avions des raisons suffisamment claires. Pour répondre à cette question, le Comité d’évaluation des offres était bien démuni. Nous nous sommes dès lors attachés les services du cabinet In Law, par MM. Piermarco Zen-Ruffinen, Alexandre Zen-Ruffinen et Joël Vanvlaenderen, cabinet auquel nous avons d’ailleurs fait appel dès le premier recours. Ces avocats sont des spécialistes des marchés publics en Suisse, en particulier M. Piermarco Zen-Ruffinen, professeur à l’université de Neuchâtel. Eux-mêmes se sont appuyés sur des expertises demandées à d’autres professeurs spécialistes reconnus du droit des marchés publics en Suisse (MM. Poltier, professeur de l’université de Lausanne et Zufferey, professeur de l’université de Fribourg).
La décision de rompre le marché nous a fait un peu peur ; le Conseil communal en a discuté et nous avons décidé de suivre nos avocats. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, le 3 novembre dernier, cette décision a été acceptée par la Cour de droit public.
Autre point important à savoir :
En l’absence des résultats des études de chauffage ventilation MCR, il n’était pas possible d’avancer de manière substantielle dans le projet des collèges. Le choix du type de chauffage ventilation conditionne en effet la configuration générale et de détails aussi bien du bâtiment à assainir que des nouveaux bâtiments. La position des locaux techniques, la position des gaines, le système de transmission des fluides et la régulation influencent beaucoup d’éléments.
Nous avons donc effectivement renoncé à étudier plus en avant le projet sauf dans les éléments où nous le pouvions. Nous avons fait les sondages géotechniques pour que les ingénieurs génie civil sachent quel type de terrain nous avons, nous avons fait des considérations sur la position des bâtiments en relation avec des oppositions que nous avions dans le quartier. L’absence de mandataire pour ce lot a tout de même bel et bien provoqué un retard de près de deux ans dans le projet.
Plus formellement, voici les réponses à l’interpellation de M. Lorenzo Zago.
Sous réserve d’un quatrième recours de l’entreprise, nous avons enfin pu reprendre les études, depuis une semaine, mais il nous faudra quelques jours encore pour finaliser le planning détaillé de la suite. Nous ne pouvons donc pas répondre sur ce point aujourd’hui mais dans les jours ou les semaines qui viennent.
En termes de coût des études, nous n’avons pratiquement rien dépensé depuis l’arrêt en mars 2014, excepté les travaux que j’ai mentionné. Nous restons donc dans la cible, sur ce point.
Pour ce qui concerne le financement d’ensemble du projet, il est vrai que la nouvelle loi sur les finances publiques soulève de nouvelles questions, en particulier en relation avec le frein à l’endettement. Ces questions sont en discussion avec l’État, et plusieurs pistes sont envisagées.
Une solution sera trouvée, car le Conseil d’État a confirmé une nouvelle fois cet été, par écrit, la nécessité du projet des collèges de Saint-Blaise. Le plan financier, qui sera bien sûr conforme à la loi, sera fourni avec la demande du crédit de construction.
Enfin, pour ce qui concerne la maîtrise du projet, la question de M. Zago ne permet pas de comprendre où se situeraient de soi-disant problèmes. Les problèmes que j’ai évoqués tout à l’heure sont d’ordre juridique et nous avons optimisé la manière d’y répondre.
Si les autorités politiques de Saint-Blaise ont mis plus de dix ans pour arriver à un projet concret, il n’en est pas moins vrai que ce projet concret existe maintenant, et qu’il a passé par toutes les étapes importantes qu’ont été :
- la preuve de la faisabilité (avec le bureau GD architectes)
- l’acceptation d’un crédit pour un concours d’architecture (par le Conseil général)
- la réalisation du concours d’architecture
- la modification et l’acceptation du plan d’aménagement local (auprès du Conseil général et du Conseil d’Etat)
- l’étude de variantes pour le choix des options importantes (parking souterrain, démolition de Vigner 11, utilisation de la Rive-de-l’Herbe)
- l’approbation du projet par toutes les instances concernées de l’éorén, les groupes politiques et le Conseil d’État
- l’acceptation d’un crédit pour les études (par le Conseil général).
Devant cet état de fait, le Conseil communal n’a pas du tout l’impression de ne pas pouvoir assumer un projet de cette taille.
Il est d’avis qu’il a été élu pour mener à bien ce genre de projet, qui représente l’apport de notre commune aux habitants de la région et à leurs enfants, et le Conseil communal n’a vraiment pas l’intention de laisser à d’autres instances la maîtrise d’un tel projet, sur notre territoire.
Nous continuerons donc à assumer ce projet et nous aurons la force et les ressources pour le faire.
Si vous souhaitez vraiment soulager le Conseil communal dans sa lourde charge, une seule alternative serait acceptable à ses yeux : créer la commune d’Entre-deux-Lacs, pour que les nouvelles autorités aient suffisamment de temps à consacrer à ce genre de projet. Votez donc « oui » le 29 novembre prochain.
Précision de M. Claude Guinand, Conseiller communal
Juste quelques compléments du point de vue financier car M. Zago n’aura peut-être pas eu toutes les réponses à ses questions.
Il est vrai que la capacité d’investissement de notre commune est d’environ CHF 2 millions, comme cela a été dit. On est effectivement très loin des CHF 25 à 30 millions nécessaires pour le financement de ce nouveau collège.
Alors qu’avons-nous comme solutions ? A ce jour, nous disposons de trois solutions :
- Conclure avec l’EORéN un droit de superficie. Nous mettrions donc le terrain à disposition de l’ EORéN qui construirait le bâtiment, qui deviendrait maître d’oeuvre et qui le financerait. Cependant, cela poserait de gros problèmes puisque l’ EORéN est également soumise à la même loi sur les finances que la commune. En outre, aujourd’hui avec le centre du Mail qui subir des transformations, qui coûteront aussi CHF 30 millions, puisque l’EORéN est propriétaire du Mail, elle serait dans l’incapacité de construire ce bâtiment et de le financer. Nous pouvons donc tout simplement oublier cette solution à laquelle le Conseil communal avait également pensée.
- Aller trouver le Conseil d’Etat et lui dire que le bâtiment est autofinancé par les 15 communes du Syndicat de l’EORéN qui paie les intérêts et l’amortissement, que cela n’est donc pas normal qu’il soit soumis à la nouvelle loi sur les finances. Vu la réponse que l’on vient de recevoir du Service des communes, je ne suis pas sûr que l’on ait beaucoup de succès.
- Venir devant votre Autorité, et ça la loi sur les finances nous l’autorise, pour demander une dérogation au frein à l’endettement; nous pouvons le faire une fois par législature, sur la totalité du montant. Nous avons eu confirmation de cette possibilité aujourd’hui par M. Leu. Le Conseil général pourrait donner l’autorisation au Conseil communal de déroger pour faire ce financement de CHF 25 à 30 millions. C’est plutôt une bonne nouvelle pour nous car cela nous permettrait de rester maîtres du projet.
C’est vraisemblablement cette dernière solution qui sera suivie par le Conseil communal.
Concernant les taux d’intérêts, il est vrai qu’aujourd’hui les taux d’intérêts sont bas mais néanmoins, ce projet ayant pris 2 ans de retard, et ne sachant pas quand et comment le plan de financement va se dérouler, il était simplement impossible de bloquer les taux.
Nous ne trouverons aucune banque qui nous financera sans savoir quand les travaux débuteront et sans connaître les montants dont nous aurons besoin. Il faut donc attendre la mise en place du plan financier pour qu’à ce moment-là nous nous approchions de la banque, puisqu’aujourd’hui on a une offre de financement de la banque cantonale qui nous suit dans notre projet.
Voilà, j’espère avoir répondu à l’interpellation de M. Zago en venant en complément de mon collègue M. Jeanneret.
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